Dimanche 9 décembre 2018 >>> "Rythme et présence : Habiter la nuit"

La nuit du doute de Fayçal Baghriche  (vidéo, 2016, 6 min)


Rêve-t-on en couleur ou en noir et blanc ? Partant d'un souvenir d'enfance, l'artiste s'interroge notamment sur le lien entre nuit et télévision, avec mélancolie et humour. Le titre, « La nuit du doute » vient du moment dans le calendrier musulman au cours duquel on observe le ciel afin de distinguer le fin croissant de lune qui indique le passage au mois suivant. Bien que les calculs astronomiques permettent de définir avec précision le passage d’un mois à un autre, seule l’observation tient lieu de validation. La vidéo s'ouvre avec cette narration : "Nous n'avions que trois chaînes, la une, la deux et la trois. Un jour, je regardais le décollage d'une fusée appelée Ariane 1. La fusée a commencé à s'élever dans le ciel, la caméra la suivait. La fusée montait, et la caméra continuait de la suivre, elle montait et la caméra suivait. Plus elle montait, plus elle rapetissait... Plus petite, de plus en plus petite. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un petit point blanc au centre de la télévision, et qu'elle disparaisse totalement dans l'obscurité de l'espace. Je me suis dit : Comment la caméra peut-elle filmer jusque dans l'espace ? En fait notre téléviseur venait de tomber en panne."


Fayçal Baghriche est né en 1972 à Skikda en Algérie, il vit et travaille à Paris.

Lien vers une vidéo absolument étonnante de Faycal Baghriche et Lien vers le site de cet artiste



Night in Beirut de Sirine Fattouh (vidéo, 2006, 8 min)

Dans les rues de Beyrouth, Sirine Fattouh filme un personnage de la nuit, une apparition, comme teintée de surréalisme. "Dans une de ses premières vidéos, A Night In Beirut, l'artiste suit  « El Tabbal », celui qui circule dans la ville pour réveiller les dormeurs pour leur repas avant l'entame de la journée de jeûne pendant le Ramadan. Cet homme en robe blanche, Sirine Fattouh l'a entendu des années sans jamais pouvoir le voir, lors de son enfance passée à Beyrouth. Elle explique que cette vidéo était motivée par le fait de pouvoir mettre un visage sur cette voix qui constituait pour elle un son terrifiant et mystérieux jaillissant brutalement pendant les nuits du mois sacré du Ramadan, et provoquait l'émergence d'histoires fantastiques dans son esprit d'enfant. La sobriété de traitement de la vidéo lui donne une réalité poignante ; éloignée de toute manipulation esthétique, elle dévoile un espace dont l'étrangeté est accentuée par l'obscurité ambiante mais aussi par le côté abscons de l'acte lui-même  dans un endroit et une époque marqués par la « modernisation »."
(Texte de Mayssa Fattouh)

Sirine Fattouh est une artiste et chercheuse libanaise né en 1980, elle vit entre la France et le Liban.

Lien vers le site de cette artiste



Leaving Living  de Noa Giniger (2005, 10 min)

Cette installation vidéo (projetée ici en salle avec l'accord de l'artiste) présente en un seul plan fixe et muet le résultat filmé d’un dispositif : un lieu, la nuit, avec un bâtiment inachevé faiblement éclairé au bord d’une route ; le passage des voitures déclenche momentanément l’allumage d’une guirlande lumineuse. Mais la voiture a déjà filé au loin, et la guirlande scintille pour la caméra uniquement, qui essaie en vain de capter dans son grain la réalité de cette scène trop sombre et trop contrastée. Expérience de perception, vacuité du regard, condamnation de la subjectivité par l’automatisme d’un média (la vidéosurveillance) ? Noa Giniger crée souvent dans ses oeuvres des décalages et des troubles de la perception, comme lorsqu'elle remet temporairement vers le haut les branches d'un saule pleureur grâce à de puissants ventilateurs. Leaving Living est l'une des premières pièces de l'artiste.


Noa Giniger est une artiste israélienne qui vit et travaille à Amsterdam.




Kempiski de Neil Belfoufa (2007, 14 min)

Neil Beloufa évolue entre l'art contemporain (il a exposé au Centre Pompidou, au Palais de Tokyo, au Moma, etc.) et le cinéma expérimental, son dernier long-métrage, Occidental (2017) a été remarqué lors des festivals de Toronto, de Turin, de Rio, ou encore à la Berlinale. Cette vidéo, réalisée en 2007 et saluée par la critique, comme l'écrit Ingrid Luquet-Gad dans
la revue
02 : "Dans ce qu’il avait lui-même qualifié de « documentaire ethnologique de science-fiction », des villageois maliens se succédaient à l’écran pour répondre à l’injonction de décrire, au présent, leur vision du futur. Il faisait nuit noire et les lampes torches qu’ils tenaient à la hauteur de leur visage finissaient immanquablement par ressembler à des sabres laser, accentuant encore un peu plus l’aller-retour entre réel et fiction."

Bienvenue à Kempinski, ce documentaire de science-fiction n'a en effet ni script ni scénario : les récits se basent sur cette simple règle du jeu : imaginer le futur au présent. L'aspect séduisant de la vidéo mène vers des stéréotypes exotiques que l'artiste soulève, et invite à une lecture fictive de ce documentaire d'anticipation, au montage mélodique et hypnotique.


Neil Beloufa est un artiste franco-algérien né en 1985 à Paris.


Histoire de la nuit (Die Geschichte der Nacht ) de Clémens Klopfenstein (1978, 63 min.)

«À partir d’un sujet singulier – filmer les rues, les monuments, les places, les lieux publics de nombreuses villes d’Europe exclusivement la nuit – le cinéaste crée un univers fascinant d’autant plus que cet univers est mêlé d’étrangeté et que Klopfenstein refuse de préciser les lieux qu’il filme. Sans aucune transition, il passe de Belfast en Écosse, de Berlin à Varsovie, de Tchécoslovaquie à Stockholm, d’Angleterre en Italie, de Grèce à Bâle avec une facilité qui déroutera les adeptes d’un cinéma didactique. Le seul lien établi entre ces univers à première vue dissonants, c’est la nuit. La nuit qui emmitoufle le réel pour en extraire le suc d’une réalité nouvelle (lisez : cinématographique), effrayante et douce, traquée et pulpeuse, transitoire et suspendue au rasoir du jour.» (Gérard Courant , Cinema 81, n°267, mars 1981)

Lien vers le site de Clémens  Klopfenstein